“Molière, la fabrique d’une gloire nationale” : à Versailles une exposition décrypte la légende
“The building of Moliere’s national and international reputation”: on display in Versailles in an exhibition unveiling the legend.
“Molière, la fabrique d’une gloire nationale”
Du 15 janvier au 17 avril 2022 Espace Richaud
78 Bd de la Reine, Versailles 01 30 97 28 66
Du mercredi au vendredi de 12h à 19h, et les samedis et dimanches de 10h à 19h.
Dès 1663, Molière interprète quatre de ses pièces à Versailles : dans la ville royale un festival lui rend hommage tous les ans. Pour les 400 ans du dramaturge, une exposition ouvre ses portes à l’Espace Richaud pour déceler qui se cache vraiment derrière cette gloire nationale. Article rédigé par
Sophie Jouve France Télévisions Rédaction Culture Publié le 14/01/2022 16:31 Temps de lecture : 4 min.
1663, Moliere presented four of his plays in Versailles (Louis XIV attending, gave his imprimateur to Comedie Francaise), thereby making Moliere legendary and immortal. He is to French drama what William Sheakspear is to English. In the Royal town a festival gives hommage to the years since and opens its doors of the Espace Richaud to uncover and get behind the scenes of this national icon of French literature.
The following are nine examples of artifacts on display in Versailles.
– Dessin de Plantu dans le Monde (Le Monde) Le Monde’s depiction of Moliere’s imprint on the world.
– “Molière, la fabrication d’une légende” à Versailles (PIERRICK DAUL). The making of the legend in Versaille.
– Molière par Claude Lefèvre (1632-1675) (Collection de la Comédie-Française). Moliere; work by Claude Lefevre (Comédie-Francaise)
-Tableau de Jean Hégésippe de 1864 représentant Louis XIV et Molière à table (DR). Painting of King Louis XIV and Moliere at lunch, 1864 by Jean Hégésippe.
– Les oeuvres de Monsieur Molière, Louys Billaine, Paris 1666 (Bibliothèque municipale de Versailles). The works of Mr Moliere, Paris 1666. (Municiple library of Versailles)
– Anonyme, détail d’une gravure d’un éventail représentant des scènes de comédies de Molière : Le Malade imaginaire, Les femmes savantes et La Comtesse d’Escarbagnas, XXe siècle, Gravure, Papier, Bois, Métal, (Musée Carnavalet). Artist unknown, a fan with engravings of scenes from three of Moliere’s plays: XXth century.
– Masque réalisé par Erhard Stiefel Squidel pour le film Molière d’Ariane Mouchkine (Sophie Jouve). A mask made for a film.
– Affiche du Médecin malgré lui, réalisation Henry Jacques 1955 (Fond d’archives Fondation Tayeb Saddiki). A poster for a film in 1955 ” Le Medecin..”
– Dessin de Plantu dans Le Monde (Le Monde). A modern day take. Plontu cartoon.
L’exposition Molière, La fabrique d’une gloire nationale fait un pas de côté dans le concert de louanges que provoque le quatrième centenaire du dramaturge, en s’interrogeant sur la façon dont chaque époque s’est construit son Molière. Car l’auteur le plus lu, joué et traduit dans le monde est aussi le plus inconnu, puisqu’il n’a laissé aucun manuscrit, aucune correspondance.
Le majestueux bâtiment qui abritait autrefois l’hôpital royal de Versailles déroule la vie foisonnante de cet hyper actif. Cinq espaces ouvrent par sa généalogie, puis rapidement pointent les affabulations et les différentes réappropriations dont le grand homme a fait l’objet.
The exhibition attempts to deal with the events that acted together to develop and cement the four centuries of drama, to question each age and time that made Moliere what he represents and has become today. A most read author, played and translated thoughout the world but also the veritable unknown, leaving little or no memoir or correspondance.
The majestic building in Versaille, also housing the Royal hospital unveils the life of this hyper-active author. Spread over five exhibition areas, it covers genealogy, rapid publishing of his work, and a variety of interpretations in the making of Moliere in thne present day.
Affabulations et réappropriations
A commencer par ses origines. Contrairement à une légende tenace, Molière est un fils de bourgeois promis à un brillant avenir. Son père est un riche marchand investi de la charge de tapissier du roi. Mais lui, le fils ainé, fait le choix courageux de devenir comédien, profession frappée d’infamie par l’Eglise.
Son père ne lui en tiendra pas rigueur et le soutient, y compris lorsqu’il se retrouve en prison pour dettes quand sa première compagnie fait faillite. Ce n’est pas son père qu’il critique dans son œuvre, mais le patriarcat, pivot fondamental de son temps.
Molière est donc très introduit, artiste pensionné et favori de Louis XIV qui voit dans la langue de Molière un outil diplomatique, mais pas au point non plus de déjeuner en tête à tête avec le saltimbanque, comme le laisse imaginer un tableau de Jean Hégésippe de 1864. “Une scène de pure fiction, emblématique de la récupération politique de Molière. Le roi ne recevait à sa table que les princes de sang et les hauts dignitaires”, relate Martial Poirson, le commissaire de l’exposition. En revanche, la présence de spectateurs VIP sur les scènes de théâtre, marquis et autres princes, représentés sur plusieurs gravures et tableaux exposés, est tout à fait conforme à la réalité !
Molière est donc apprécié, reconnu, comme le prouve ce savoureux contrat d’exclusivité signé de la main du roi : une ordonnance défendant aux autres troupes que celle de Molière de jouer Le Malade imaginaire, un an après la mort du dramaturge.
Un modèle fédérateur
Molière moraliste, populaire, républicain… Pour Martial Poirson, l’auteur et chef de troupe “a épousé tous les courants politiques et toutes les esthétiques au fil des siècles”. Tous voient en Molière un modèle fédérateur et se l’approprient. Le comédien qui devient auteur pour fournir des rôles à sa troupe est considéré comme un classique par les philosophes des Lumières, un génie universel. Avec Racine et Corneille il forme la trinité nationale.
Au début du XIXe siècle, Molière est le symbole de l’esprit français. Il fait l’objet d’un véritable culte, le “moliérisme”, avec produits dérivés et accessoires de mode à son effigie.
Plus tard, le Molière aimé du roi se transforme en Molière républicain. Oubliées les comédies ballet et les pièces de cour, Molière envahit les manuels scolaires avec Le Misanthrope, L’école des Femmes, Tartuffe ou Sganarelle. Des pièces dénonciatrices des mœurs d’autres temps.
Transmédia, transculture, transfrontière !
L’exposition évoque aussi les grandes aventures collectives du XXe siècle inspirées par Molière. Le Don Juan de Jean Vilar et du Théâtre national populaire (TNP), qui verra défiler 370 000 spectateurs en France et à l’étranger, devient la figure du héros moderne. Pour Ariane Mouchkine et son collectif du Théâtre du Soleil, Poquelin est la métaphore de la vie de sa propre troupe, relatée dans son très beau film Molière ou la vie d’un honnête homme (1978), avec Philippe Caubère dans le rôle-titre. Les masques réalisés par Erhard Stiefel Squidel pour le film font partie des plus belles pièces de l’exposition. En 1995, Mouchkine fait de Tartuffe une fable décapante dénonçant le fondamentalisme religieux.
Si Molière vivait aujourd’hui il serait Africain, claironnait Jamel Debbouze. Molière et surtout son Sganarelle est un produit d’exportation, découvre-t-on un peu plus loin au travers de costumes d’inspiration orientaliste ou de représentations de la première troupe professionnelle marocaine, dirigée par Tayeb Saddiki. Molière, emporté dans les valises des colons, devient dans ce pays nouvellement indépendant un outil d’émancipation, un réquisitoire contre l’obscurantisme et le fondamentalisme.
La légende de Molière va donc bien au-delà du roman national. Transposable dans tous les contextes, Molière est devenu une référence partagée sur les cinq continents. Molière ? Une pop star !
“Molière, la fabrique d’une gloire nationale”
Du 15 janvier au 17 avril 2022 Espace Richaud
78 Bd de la Reine, Versailles 01 30 97 28 66
Du mercredi au vendredi de 12h à 19h, et les samedis et dimanches de 10h à 19h.