Les habitants de Nouvelle-Calédonie ont dit “non” à l’indépendance : 5 choses à retenir sur le référendum de dimanche
Le “non” est arrivé en tête de la consultation avec 56,4% des voix contre 43,60% pour le “oui”. La participation a été massive, puisqu’elle a atteint 80% des électeurs inscrits.
“Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?” Vingt ans après la signature de l’accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie s’est prononcée, dimanche 4 novembre, par référendum sur son autodétermination, étape majeure du processus de décolonisation de cette collectivité territoriale du Pacifique Sud contrôlée par la France depuis 1853. Selon les résultats officiels, le “non” à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie l’a emporté avec 56,4% des voix exprimées.
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1Une nette victoire du “non”
Selon des résultats définitifs, le “non” à l’indépendance l’emporte avec 56,4% des voix contre 43,6% pour le “oui”, a indiqué le Haut-Commissariat.
Dans le détail, la province Nord de la Grande Terre (40 000 électeurs inscrits) a largement voté “oui” à l’indépendance avec 76,98% des voix contre 23,03% des voix pour le “non”, selon les chiffres du Haut-Commissariat. La province des îles (22 200 électeurs inscrits) a elle aussi voté “oui” à l’indépendance, avec 82,18% des voix.
En revanche, 73,7% des électeurs ont voté pour le “non” à l’indépendance dans la province Sud (112 000 électeurs inscrits). Cette province (où se situe Nouméa) est deux fois plus peuplée que la province Nord et la province des îles réunies. Ce qui explique que le “non” l’emporte largement au final sur tout l’archipel.
2Une très forte mobilisation
Avec un taux de 80,63%, la participation pour ce scrutin est largement supérieure à celle enregistrée pour les élections provinciales en 2014 (58,19%). “C’est une participation qui montre que la démocratie fonctionne bien, commente le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, depuis Nouméa, à franceinfo. “Il faut remonter aux premières années de la Ve République pour trouver un chiffre comparable, la consultation pour la Constitution de 1958 et le référendum sur la régionalisation en 1969 qui a conduit à la démission de De Gaulle.”
3Des heurts près de bureaux de vote à Nouméa
Plusieurs voitures ont été brûlées en Nouvelle-Calédonie dimanche soir, en marge de la clôture du référendum sur l’indépendance, rapporte le Haut-commissariat. Les sept voitures ont été incendiées dans le quartier populaire de Montravel, au nord de Nouméa.
Le quotidien Les Nouvelles calédoniennes évoque également une voiture brûlée dans le quartier de Rivière-Salée, dans les quartiers nord de Nouméa. Le Haut-Commissariat a fait état également de “deux faits de caillassage”, sans préciser le lieu, mais “rien de significatif”.
4Un résultat un peu plus serré que ce qu’annonçaient les sondages
La victoire du “non” à l’indépendance n’est pas une surprise, même si le résultat est plus serré que ce que prévoyaient les sondages. Un sondage publié début octobre par Nouvelle-Calédonie la 1ère donnait le “non” largement vainqueur avec 66% des voix. “Le résultat du vote est conforme aux équilibres politiques que l’on connaît sur l’île depuis trente ans, explique Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste à franceinfo. A chaque élection, en particulier aux élections provinciales, on a un équilibre de 60% contre 40% entre les loyalistes et indépendantistes.”
Globalement, la majorité des électeurs indépendantistes sont les Kanaks, le peuple autochtone de l’archipel. Or, s’ils représentent la plus grande communauté du territoire (39% des habitants), ils ne sont pas assez nombreux pour faire basculer le scrutin. “Il y a de nombreuses autres communautés, européennes, asiatiques, métisses qui ont voté lors de cette consultation, rappelle Jean-Philippe Derosier.
La répartition géographique du vote montre que les résultats sont conformes à l’organisation du territoire. “La province Sud avec Nouméa est traditionnellement contre l’indépendance et c’est aussi la province la plus habitée avec le plus d’habitants non-Kanaks, reprend le spécialiste. La province Nord et les îles Loyauté ont majoritairement voté pour l’indépendance, mais ce sont des territoires moins peuplés, avec la plus grande population kanake.”
5Un “non” pas forcément définitif
Malgré ce résultat, la question de l’indépendance n’est pas close. Comme le prévoit l’accord de Nouméa signé en 1988, deux autres consultations sur l’indépendance sont possibles dans les quatre prochaines années. Des élections provinciales sont maintenues pour mai 2019. Si un tiers des membres du nouveau congrès (assemblée calédonienne) élu demandent un deuxième référendum, cette consultation devra être organisée dans les dix-huit mois suivants, reprend le HuffPost.
“Au plan politique, il n’y a pas d’autre chemin que celui du dialogue. Le gouvernement proposera aux forces politiques de Nouvelle-Calédonie de se réunir dans les prochaines semaines”, a précisé Emmanuel Macron, lors d’une allocution pesée où il a insisté sur le destin commun des Calédoniens et la paix civile. Le Premier ministre est d’ailleurs attendu, lundi, à Nouméa pour poursuivre les discussions avec les acteurs politiques locaux.
“Le ‘oui’ est un acquis sur lequel nous allons continuer à bâtir”, a déclaré pour sa part Gérard Reignier, directeur de campagne du parti kanak FLNKS. Pour Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien (RDO), les résultats montrent que les indépendantistes “se sont réveillés et qu’on est à deux doigts de la victoire”. “Il nous reste deux référendums”, a-t-il réagi. “Le peuple calédonien a enfin compris que l’indépendance n’est pas un épouvantail, l’indépendance est viable.”
L’article à lire pour comprendre le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie
Dimanche 4 novembre, cet archipel du Pacifique Sud, colonisé au XIXe siècle et toujours marqué par de fortes inégalités, a la possibilité de quitter le giron français.
On Sunday 4 November the south Pacific archipelago, colonised in the 19th century and still suffering extreme inequalities, has the chance to split from France.
La République française va-t-elle perdre près de 270 000 habitants ? Dimanche 4 novembre, un référendum organisé en Nouvelle-Calédonie va déterminer le futur de cette entité d’outre-mer, dont une partie des habitants réclament l’indépendance. Un éventuel départ constituerait une première pour la France depuis les deux derniers grands référendums de décolonisation aux Comores, en 1974, et à Djibouti, en 1977, et l’indépendance du Vanuatu en 1980. Pour avoir les idées au clair sur ce scrutin, suivez le guide.
C’est où déjà la Nouvelle-Calédonie ?
Le chef-lieu de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, se situe à près de 17 000 km de Paris, dans le Pacifique Sud. Doté d’un des plus grands ensembles de lagons du monde, cet archipel baigne à l’est de l’Australie, au nord de la Nouvelle-Zélande et à l’ouest du Vanuatu et des îles Fidji.
La Nouvelle-Calédonie est divisée en trois provinces : la province Nord et la province Sud, sur l’île principale, et les îles Loyauté (Lifou, Maré, Ouvéa et Tiga), à l’est de la “Grande Terre”. Seule grande ville du territoire, Nouméa concentre dans son agglomération les deux-tiers des 270 000 habitants de Nouvelle-Calédonie.
Ça fait longtemps que c’est français ?
La France de Napoléon III a pris possession de l’archipel en 1853. Elle y a vite installé un bagne, réparti sur plusieurs sites, qui a accueilli jusqu’en 1924 des condamnés politiques et de droit commun. Ces derniers, les plus nombreux des bagnards, sont mis à contribution pour construire des routes et des bâtiments. L’administration coloniale déplace également des autochtones kanaks dans des réserves réparties sur l’ensemble du territoire – les zones confisquées finissent entre les mains de colons ou de bagnards libérés.
Après l’échec de révoltes kanakes, notamment en 1878 et 1917, un mouvement de revendication séparatiste s’organise à l’orée des années 1970. Devenus minoritaires démographiquement, les Kanaks sont portés par les idéaux de Mai-68 et la remise en cause de l’ordre établi. Les tensions communautaires s’accentuent et explosent finalement dans les années 1980, où une quasi guerre civile fait quelque 70 morts.
J’ai entendu parler du drame d’Ouvéa…
En mai 1988, 23 gendarmes sont pris en otage par des indépendantistes et l’assaut de la grotte d’Ouvéa pour les libérer fait 21 morts. Cet épisode fait l’effet d’un électrochoc dans l’archipel et ouvre la voie à un travail de réconciliation. Dès juin 1988, les indépendantistes et les loyalistes signent, à Paris, les accords de Matignon, qui prévoient notamment l’organisation d’un référendum d’autodétermination dix ans plus tard.
En 1998, l’échéance est remise à plus tard. Avec l’entremise de l’Etat, les deux camps s’entendent sur un nouveau processus de décolonisation par étapes sur vingt ans, formalisé par l’accord de Nouméa. Ce texte fondateur, approuvé par 72% des Calédoniens lors d’un référendum, institue une citoyenneté calédonienne et permet des transferts progressifs des compétences non régaliennes. Surtout, il prévoit l’organisation d’une consultation populaire d’autodétermination entre 2014 et 2018.
Ce référendum va donc voir le jour, enfin !
Trente ans après les accords de Matignon, nous y voilà. Les Calédoniens sont appelés à répondre à la question suivante :
Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?
Ce sont précisément 174 154 électeurs qui pourront défiler dans l’isoloir. La composition du corps électoral pour cette consultation a fait l’objet d’âpres négociations, si bien que les non-Kanaks arrivés après 1993 ne pourront pas faire entendre leur voix. Les Kanaks, eux, qui ne représentent plus que 39% de la population, sont sur-représentés. Ils forment même 63% de ce corps électoral, selon le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).
Quelles sont les forces politiques en présence ?
La famille indépendantiste dispose de 25 élus sur 54 au Congrès de Nouvelle-Calédonie, l’instance législative locale. Elle est dominée par le FLNKS, un regroupement de quatre partis politiques, qui appelle le “peuple kanak” à “conclure un combat qui dure depuis 164 ans”. Plus radical et très minoritaire, le Parti travailliste prône, lui, “une non participation massive” au référendum, qu’il juge trop ouvert aux non-Kanaks. “Nos militants joueront aux boules ou iront à la pêche”, prévient son leader.
En face, les non-indépendantistes sont majoritaires au Congrès, avec 29 membres. Divisés, ils mènent campagne sur le terrain autour de slogans tels que “La France est une chance” ou “Pour une Nouvelle-Calédonie dans la France et dans la paix”. En mai, ils ont reçu le soutien (timide) d’Emmanuel Macron. En visite à Nouméa, le président de la République n’a pas souhaité “prendre parti dans ce référendum” mais a affirmé que “la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie”.
Les indépendantistes ont-ils leurs chances ?
Elles semblent très minces. Dans une enquête (PDF) réalisée à la mi-septembre par l’institut Harris interactive pour France Télévisions, 66% des personnes exprimant un choix de vote sur le référendum déclaraient leur intention de glisser un bulletin “Non” dans l’urne, quand 34% privilégiaient le “Oui” en faveur de l’indépendance.
De son côté, à partir d’une étude (PDF) menée en août, l’institut Quidnovi avançait que “69 à 75% [des votants] voteraient ‘Non’ à la consultation du 4 novembre 2018″. Il ajoutait que “52% des Kanaks voteraient ‘Oui’ à l’indépendance, 37% voteraient ‘Non’ et 11% ne savent pas encore”.
Les gens ont peut-être des doutes sur la viabilité du projet indépendantiste…
Oui, bon nombre d’entre eux estiment que, malgré ses richesses, le territoire n’est pas prêt. La Nouvelle-Calédonie possède l’une des économies les plus solides et les plus dynamiques de l’outre-mer français. Sa principale ressource locale est le nickel, qui représente près d’un cinquième du produit intérieur brut local et plus de 10 000 emplois salariés directs ou indirects. “Mais cela ne suffira pas” à combler “les transferts de l’Etat”, qui sont “de 140 à 150 milliards de francs Pacifique” par an (1,17 à 1,26 milliard d’euros), estime l’économiste Olivier Sudrie, spécialiste de l’outre-mer. “L’un des handicaps dont souffre la Nouvelle-Calédonie, c’est sa faible compétitivité, ajoute l’économiste. On y est assez peu productifs et les prix et salaires y sont relativement élevés. Donc on a du mal à produire calédonien et encore plus de mal à vendre sur les marchés internationaux.”
On se dirige donc vers un statu quo ?
Pas vraiment. D’une part, en cas de rejet de l’indépendance, l’accord de Nouméa prévoit l’organisation d’un deuxième voire d’un troisième référendum d’ici à 2022. D’autre part, il faut s’attendre à un peu plus d’autonomie pour la Nouvelle-Calédonie, qui “peut être une nation sans être un Etat”, comme l’explique le député calédonien anti-indépendantiste Philippe Gomès :
Ce n’est pas parce qu’un ‘non’ massif à l’indépendance va être probablement au rendez-vous que le droit à l’autodétermination s’éteint pour autant.
L’enjeu sera également de poursuivre le travail de rééquilibrage entamé en faveur des Kanaks, qui restent largement défavorisés, et de construire le “destin commun” prévu par l’accord de Nouméa. “Le 5 novembre, quel que soit le résultat, les signataires devront se parler pour construire la suite, pour faire en sorte qu’au-delà de ce moment binaire où certains diront oui et d’autres non, la Nouvelle-Calédonie puisse construire l’avenir avec un peuple qui souhaite, au fond, vivre et vivre en paix sur le Caillou”, a plaidé le Premier ministre, Edouard Philippe, en juillet. Il a depuis annoncé qu’il viendrait sur le “Caillou” le 5 novembre.
J’ai eu la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ? 😉
Dans le cadre d’un processus d’apaisement politique entamé il y a trente ans, près de 175 000 électeurs iront voter, le 4 novembre, pour ou contre l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Dans ce territoire marqué par la colonisation et le cantonnement des autochtones, la principale formation indépendantiste appelle le “peuple kanak” à “conclure un combat qui dure depuis 164 ans”. Les sondages donnent toutefois le camp du “non” largement gagnant. En cas d’échec, les séparatistes pourront compter sur un deuxième voire un troisième référendum dans les quatre prochaines années. De leur côté, soucieux d’éviter de nouvelles tensions, les partisans du maintien dans la France se disent attachés à la construction d’une “nation” calédonienne, à défaut d’un Etat.